Le Site de SAN GIOVANNI (Saint Jean)
SAINT JEAN
Le site de San Giovanni (Saint-Jean) de Corte est porteur, pour l’histoire de la Corse médiévale, de la plus grande valeur symbolique. Dans la Chronique de Giovanni della Grossa, écrite au milieu du XVe siècle, il est indiqué que le « Palazzu » d’Ugo Colonna situé à une trentaine de mètres de la façade de l’église piévane de San Giovanni, fut fondé par ce dernier, envoyé avec le titre de comte de Corse par le pape de ce temps carolingien, au début du IXe siècle.
Cette chronique datant de la fin du Moyen Age décrit en détail le conflit entre le comte Ugo Colonna et l’armée des Sarrasins enracinée sur le site du « Nid d’aigle » (à savoir le massif rocheux dominant de manière spectaculaire la ville actuelle de Corte), conflit marqué par la victoire finale du comte de Corse Ugo Colonna établi dans son « palazzu » de San Giovanni, alors dit « de Venaco », situé à environ trois kilomètres à l’est de Corte, en direction d’Aleria. C’était en effet originellement le centre de la « pieve » de Venaco, alors centrée sur la vallée du Tavignanu, avant qu’ à partir du XVIe siècle la population vénacaise ne s’établisse bien plus en hauteur et que la ville de Corte ne s’étende nettement vers l’est et n’englobe dans son territoire ce site originel de la « pieve » de Venaco.
La localisation du « Palazzu » d’Ugo Colonna à très faible distance de l’église piévane de San Giovanni et de son baptistère et exactement face à eux, avait une claire signification symbolique, celle d’une résidence à la valeur de capitale politique de la Corse du temps, située au centre même de l’île.
Cette fonction essentielle a donc été accordée à ce site hautement symbolique par le comte Ugo Colonna, fondateur de la lignée des comtes Colonna de Corse, légendairement venus de Rome, lignée dont la disparition est attribuée par le chroniqueur Giovanni della Grossa au meurtre, survenu en l’an mil, du dernier descendant d’Ugo Colonna, à savoir le comte Arrigo Bel Messer et de ses sept jeunes fils sur le site de Palmentu et, pour ces derniers au « Pont de la Pierre », immédiatement voisin de Palmentu, sur l’actuelle commune de Bastelicaccia, près d’Ajaccio.
De ce dramatique événement s’ensuivirent l’éclatement féodal de la Corse durant le XIe siècle et, partant, l’abandon du site du « Palazzu » d’Ugo Colonna dont la fonction primitive de capitale politique de toute l’ile était désormais devenu sans aucune valeur.
De l’église San Giovanni, « pieve » de Venaco, qui présente encore une façade en élévation sur une photographie de la fin du XIX e siècle, il ne subsiste plus aujourd’hui en élévation que l’abside et le baptistère immédiatement voisin. Les campagnes de fouilles conduites de 1956 à 1958 par Genevière Moracchini-Mazel, ont permis de révéler l’organisation globale de l’édifice originel : murs périmétraux, présence de trois nefs séparées par deux rangées de piliers de forme carrée ainsi que les dispositions liturgiques originelles : derrière le chancel on peut voir désormais les premières marches de l’ambon, à savoir une chaire à prêcher centrale évoquant le modèle des églises paléochrétiennes.
Ces éléments de type ancien et surtout le décor extérieur de l’abside pourraient suggérer une datation du Xe siècle. Il en va de même pour le baptistère, immédiatement à l’est de l’abside, infiniment mieux conservé que l’église San Giovanni et remontant dans son état actuel à une date sans doute plus récente que l’église piévane elle-même, soit le XIIe ou le XIIIe siècle, avec la réutilisation de pierres plus anciennes, certaines pouvant remonter à la période romaine.
Jean-André Cancellieri, président de la Société Historique de Corte
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