Dominique Frassati

Parmi les peintres qui ont marqué leurs époques au lendemain de la première guerre mondiale en Corse, on note avec un certain plaisir le nom de Dominique Frassati (né en 1896).

Cet artiste est né Place Paoli où sa famille y réside notamment sa mère née Lucie Manfredi, sœur de l’illustre Santos Manfredi.

Enfant déjà, on note chez lui un goût certain pour le dessin et la peinture. Son enfance et son adolescence se déroulent le plus normalement du monde mais sont hélas contrariées par le premier conflit mondial.  Ainsi en 1914,  il fait parti des premiers engagés.

Une guerre dont il ne sortira pas indemne, loin de là. Gazé,  il conserve des séquelles graves tant pulmonaires qu’oculaires.

Son état de santé ne pouvant être traité avec les maigres moyens dont disposent la Corse, son oncle Santos Manfredi le fait transporter en Argentine.  Là,  il retrouve une large autonomie physique ce qui lui permet de renouer avec son plus grand plaisir : la peinture.

Bien qu’en Argentine, il lui soit proposé de travailler au côté de ses oncles Manfredi, il retourna en Corse. Ainsi à Corte où il vivote en peignant des portraits, des devantures, des affiches sportives. En 1923,  il tente une nouvelle orientation professionnelle et met le cap sur l’Algérie et plus précisément la ville d’Oran.

C’est le début d’une certaine notoriété mais qui n’atteint pas encore les sommets et il reviendra alors en Corse en 1928 mais pour une courte durée car l’académie Julian à Paris et l’atelier du réputé Paul Albert Laurens l’y attendent.

Sa formation, son talent réunis lui ouvrent une nouvelle voie. En 1929 il épouse Elise Ansidei de leur union naîtront  trois enfants.

La consécration aura lieu à Ajaccio. En juin 1936 il est nommé conservateur adjoint au musée Fesch en devenant le collaborateur fort apprécié de François Corbellini le conservateur en titre. Un artiste peintre fort apprécié en Corse mais aussi en Algérie. En 1937 lui son alors confié les directions des musées de la cité impériale.   Plusieurs distinctions honorifiques ont couronné sa carrière qui aurait mérité amplement d’être plus longue.

Aujourd’hui plusieurs de ses œuvres sont exposées au musée Fesch : «  Les pêcheurs, le vendeur de journaux, la procession, la sortie de la messe… »

Nombreux sont encore vivants ceux qui l’ont connu ou qui ont eu échos de son œuvre. Rare sont les peintures, en dehors de celles exposées, à pouvoir  exister dans notre île. Dominique Frassati d’après les témoignages était un garçon modeste sensible d’une infinie gentillesse et ce qui ne gâche rien, d’une grande élégance.

Il est mort en 1947 et repose au cimetière de Corte.

Dominique Frassati à Oran

Quatre jeunes pêcheurs du port d’Ajaccio

Musicien au parc

Les pêcheurs

Le regard de Dominique Frassati

Les personnages de Dominique Frassati

Les paysages

Santos Manfredi (1867 -1951) Un bienfaiteur par trop oublié …

Santos ManfrediToussaint Manfredi est né à San Andréa di Bozio en 1867 . Ainé d’une fratrie de 11 enfants il s’installe à Corte avec sa famille dans les Lubiacce puis au n ° 2 de la Place Paoli  où ses parents Joseph et Marie Antoinette née Simoni tiennent un commerce et une forge. Il fréquente le séminaire sans pour autant se destiner à la prêtrise .

A 15 ans  à peine il part pour l’Amérique accompagné d’un frère de son père qui doit rejoindre à Chicago d’autres Manfredi, originaires de la région d’Orezza, qui se sont expatriés quelques années auparavant. Chicago n’a pas l’heur de plaire à Toussaint et  moins de deux ans plus tard il n’a pas  18 ans ! il prend seul la route du Chili . Un pays pour lequel il n’aura pas non plus un  » coup de cœur ».  Doué pour les langues tout autant que pour le commerce l’enfant du Bozio devient Santos à sa majorité .Il conservera la nationalité française (Bi-national) Il est alors à Buenos Aires  en Argentine. Si ce n’est pas l’eldorado c’est du moins plus conforme à ses voeux . Ceux qui l’ont connu à Corte ou il compte encore aujourd’hui un filleul sur les quelques dizaines qu’il porta sur les fonts baptismaux ,ont le souvenir d’un homme d’une » fort belle prestance aux yeux verts  avec beaucoup de charme. » Cette description permet – peut être de mieux comprendre comment  un tout jeune homme arrivant dans un pays inconnu et étranger sans grande experience réussit à pénétrer le monde des affaires.  C’est l’agriculture qui l’intéresse plus particulièrement  et c’est précisement dans ce secteur d’activité qu’il va prospérer au fil des années. Après deux  opérations commerciales ayant trait  au café et aux arachides il obtient des garanties bancaires lui permettant de faire l’acquisition dans la région de Cordoba de plusieurs milliers de terres incultes mais neanmoins fertiles. Des acquisitions qui rapidement produisent des fruits . En 1903 il crée ainsi la société  » ONCATIVO »  axée sur la culture des céréales et exploitées sur le vaste domaine dont il est propriétaire. Domaine de plus de 27 500 hectares dont il fera don en 1920 au Ministére de l’agriculture pour servir de fondation agricole experimentale . Aujourd’hui  et depuis 1954  fonctionne sur ce site l’institut national agricole . Son action est fortement appréciée en Argentine mais également en France et c’est précisement à ce titre qu’il  sera décoré de la Légion d’honneur par décret du 17 août 1927 pris sur le rapport du Ministre des Travaux Publics en qualité d’industriel, Rosario de  Santa-Fé. La remise de décoration aura lieu dans notre cité en présence d’une forte délégation d’industriels argentins qui seront faits tout comme lui citoyen d’honneur.

En ce début du siècle  Santos Manfredi se marie. De son union naitront sept enfants  dont Virginia qui épousera un fils Cook de la célébre société des Wagons-lits et agences de voyages.

Son petit fils Santos  fut élu Maire de Cordoba avant la révolution.

Fortune faite  Don Santos   rayonne avec le plus grand bonheur  dans plusieurs secteurs d’activités dont il sera la cheville ouvrière.

Ainsi à Buenos Aires il finance  » l’Alliance-Française » pour aider les étudiants étrangers. Un établissement qui sera dirigé plusieurs années plus tard par un Corse  Jean Pierre Orsoni. A  Rosario où il réside, il crée la Bourse ainsi que le Rotary club. Businessman certes mais mécène.  Toussaint est devenu aujourd’hui Don Santos Manfredi. Il sait qui il est et ne l’oublie pas.

Il n’oublie pas non plus Corte ou vivent ses parents et nombre de ses frères et soeurs. A Corte où il retourne après vingt  ans d’absence. Il constate que bien des domaines laissent à désirer notamment en matière médicale. Il décide ainsi de créer une fondation avec l’aide du sous-préfet Legentil pour construire un asile de vieillards et une maternité (1925).

Préalablement il avait consenti des prêts à la commune.

Une partie des égouts  de la Place Padoue à l’Orta ont été  réalisés avec ses deniers. L’esplanade de la Place Padoue a été réalisée sur un terrain qui lui appartenait et qu’il céda gracieusement.

Il paya la statue du monument aux morts. Un temps l’avenue porta son nom et à la libération on lui préfera celui de De Gaulle ! Seul aujourd’hui l’hopitalporte -en partie- son nom et le stade qu’il finança aussi.

Sa devise  » Qui donne aux pauvres prête à Dieu » jusqu’à sa mort en novembre 1951 à Rosario il s’est fermement tenu à la respecter.

Aujourd’hui à Corte il reste encore des traces de sa générosité hors du commun tout comme en Argentine.

Tous les ans  dans la localité de « Manfredi » à proximité de Cordoba qu’il créa en 1914 ses arrières petits enfants et leurs amis célèbrent la mémoire de ce petit Corse qui sut devenir un grand, un  » Don », un  » Monsieur » tout en sachant garder la tête froide et le cœur chaleureux. Un bienfaiteur tout simplement dit mais ô combien exceptionnel.

Depuis 2010ses descendants de la quatrième et cinquième génération ont renoué avec leurs cousins de  Corse.

 

Daniel Coulon-Cerani *

* (Petit- neveu de Santos Manfredi)