La religion à Corté
Aspects religieux et historiques de la ville de Corté
Autrefois Corté dépendait de la pieve de Talcini qui comptait six paroisses. Celles de Corté, de Sainte Lucie de Mercuriu et de Tralonca appartenant au doyenné de Corté, et celles d’Omessa,de Castirla et de Soveria étaient rattachées au doyenné d’Omessa. La pievanie de Corté avait pour coeur l’église champêtre dédiée à Sainte Marie et située à plusieurs milles de Corté, en direction d’Omessa, à 3Km de l’ancienne ville de Cenestun. A la fin du XVIe, cette église était déjà désaffectée.
La ville de Corté, Civiae Civitas, centre géographique de la Corse et cœur politique de la nation, a été capitale du gouvernement Paoli de 1755 à 1769. Elle fut aussi la patrie de Saint Théophile (1676-1740), du Général Jean Pierre Gaffory (1704-1753), de Monseigneur François Xavier Gaffory (1810-1892) évêque de Corse et de Monseigneur Antoine Louis Arrighi de Casanova, évêque d’Acqui (1808-1810).
Il existait dans la ville différents oratoires: Saint Roch, Sainte Croix, Saint Vitus et Saint Etienne. L’oratoire Sainte Croix, abritait une confrérie d’hommes et un mont de piété au capital de 1500 livres. Dans l’église Saint Marcel, existait un autre mont de piété administré par la confrérie de Rosaire, composée uniquement de femmes. Elles avaient la charge de l’entretien de l’église et de l’autel du même nom.
Il y avait également au sein de la ville de Corté deux couvents:
-Saint François aux Observantins qui comptait seize religieux. L’église servait de salles aux consultes nationales. Aujourd’hui, elle est en ruine, il ne reste plus que le clocher triangulaire.
-Le couvent des Capucins dédié aussi à St François accueillait 19 religieux. Il appartient à la famille Arrighi. L’église a été désaffectée et a servi de salle de cinéma pendant longtemps.
Initialement, l’église paroissiale fut dédiée à St Marcel, pape et martyr en 309, puis à la fin du XVIIe, elle fut consacrée à l’Annonciation. L’église St Marcel, construite à Corté par les habitants d’Aléria fuyant les Sarrasins et la malaria, a été abandonnée dans la seconde moitié au XVIIIe siècle. Elle fut confisquée pendant la révolution puis transformée en magasin militaire avant d’être démolie en 1836. L’église de l’Annonciation, construite par Ambroise, évêque d’Aléria fut ouverte au culte en 1450. En 1655, elle fut agrandie, portée à trois nefs et transformée en style baroque.
Les confréries cortenaises
La vie religieuse des corses était fortement influencée par les confréries. Elles poursuivaient à la fois, un but religieux qui est de sanctifier les âmes, de rehausser la solennité et l’éclat des cérémonies du culte public, et un but social, à travers les œuvres d’assistance et de secours mutuel auxquels chacun avait droit moyennant une cotisation modique. Elles viennent en aide aux nécessiteux, aux malades, et en cas de mort, elles prennent en charge les funérailles et procèdent aux inhumations. Conformément aux anciens registres de la confrérie de San Ghjiseppu, pour être membre, il fallait appliquer les règles fondamentales du catéchisme, être de bonne vie et mœurs, ne pas être un criminel ou un assassin et ne pas vivre dans l’usure, le concubinat et l’inceste. Ces confréries pouvaient être régies canoniquement de plusieurs privilèges et indulgences comme celle de San Ghjiseppu. En règle générale, chaque confrérie possède son propre habit, sa propre bannière, son propre oratoire et un chapelin qui lui est rattaché.
Ce sont les supérieurs, appelés « Primu Priore »(premier prieur), « Sottu Priore » (sous prieur) et « Tresorieru » (trésorier) qui tiennent les registres. Les membres doivent faire leurs Pâques en corps. Ils sont tenus d’assister en habit aux enterrements, aux offices et cérémonies religieuses, aux processions surtout à celle de la fête de Dieu et du Jeudi Saint et de visiter les reposoirs. Les absences non motivées sont punies d’une amende dite « a bustella« .
Il existait à Corté deux types de confréries. Les unes totalement sous la tutelle de l’église (et de ce fait régies par des statuts comme c’était le cas de la confrérie de » San Ghjiseppu »). Les autres confréries (dites du peuple) qui allaient contre les abus de l’église. Elles avaient pour principales fonctions : l’activité d’entraide et l’aide à la mort. Elles étaient des associations pieuses, de charité, et de pénitence qui possédaient leurs propres chants et cérémonies. C’était le cas des confréries des « Bianchi » et de « San Martino » qui ont momentanément disparu ou fusionné avec la confrérie actuelle, celle de « San Teofalu di Corti ». I Bianchi appartenaient à une confrérie de gens pauvres selon les uns, de notables selon les autres. Ctte confrérie était appelée également di l’ »Artigiani », les artisans, car elles regroupaient des maçons, des chaudronniers, des menuisiers, des cordonniers. Les confrères ne portaient pas les » mantelettes » mais étaient uniquement vêtus de blanc d’où leur nom. Leur oratoire était à Sainte Croix, d’où leur autre appellation « I Crucetti ». Les membres de la confrérie de « San Martinu » portait un mantelet de couleur verte. Le premier prieur était reconnaissable des autres confrères par « una lastra », une plaque cousue sur sa cape . Enfin, il existait aussi des confréries de femmes qu’on appelait « E sore piddoche »ou « E sore pizzoche »dites aussi « E figlie di Maria ». Elles étaient chargées de l’entretien de l’oratoire, de l’église paroissiale et des funérailles des confrères. Leur oratoire se trouvait selon les témoignages dans l’église Saint Marcel ou dans la petite chapelle Sainte Croix.
Aujourd’hui, A Cunfraterna di San Teofalu, selon divers témoignages est la fusion des trois confréries en 1979: San Martinu, San Ghjiseppu et I Bianchi. Cette confrérie, régie par la loi 1901, possède ses propres statuts et un bureau réuni autour du Premier Prieur. Adhérer à la Cunfraterna di San Teofalu, c’est se donner volontairement, solliciter son admission à un groupe qui peut vous en refuser l’accès. C’est demander de participer aux faveurs divines dispensées par la confrérie. On peut devenir pénitent par un acte d’engagement personnel dès le plus jeune âge . Aujourd’hui, ces confréries qui naissent et se développent sur l’ensemble de l’île ont quasiment une référence religieuse. Les raisons particulières énoncées par les pénitents relèvent souvent du contexte général. Notre société « industrialisée » sécrète des structures dé-personnalisantes qui engendrent des situations de crises au niveau collectif et individuel. Ces situations font apparaître des aspirations, des besoins que les confréries semblent aisément combler. Elles sont un besoin de réponses précises, un facteur de sécurité dans un monde en mutation rapide ou les certitudes traditionnelles paraissent céder sous les coups des remises en cause perpétuelle.
Tradition de Pâques à Corté
Les processions: La Corse est un pays de religion catholique et la population attache une importance considérable à certaines pratiques religieuses. Le dimanche des rameaux marque le début de la semaine sainte. Après la bénédiction des palmes qui se présente sous forme de croix appelée « E Crucette », chaque famille les ramène dans leur demeure. La bénédiction, selon les témoignages, se passait autrefois, à l’intérieur de l’église, aujourd’hui elle débute place Gaffory, devant l’église de l’Annonciation et s’achève sur la place Saint Théophile. Après le dimanche des rameaux, va débuter la procession du Jeudi Saint (Ghjovi Santu) et du Vendredi Saint (Venneri Santu). Corti, comme d’autres régions, célèbre avec ferveur ces deux cérémonies.Le dépouillement des autels, les statues recouvertes d’un voile, l’extinction des cierges en marquent le début. Les processions marquent dans toutes les régions le moment fort de ce cérémonial, mais les coutumes qui gravitent autour d’elles sont parfois différentes. Ce sont les confréries qui perpétuent les traditions de la semaine Sainte . Elles organisent, dirigent et conduisent les processions. Que l’on soit en Haute- Corse ou en Corse du Sud, les rites pratiqués ne sont pas les mêmes et portent les appellations différentes, U Catenacciu à Sartène, A Granitula ou Farendola à Corti. La procession du Jeudi Saint comprend exclusivement les pénitents et les hommes. Les femmes et le clergé n’y participent pas, alors que la procession du Vendredi Saint est ouverte à tous. Durant la procession, nous pouvons entendre des chants comme Perdono mio Dio, Signore mi pento qui sont des litanies pénitentielles qui ne font qu’exprimer sous forme d’examen les tribulation de l’ascète qui mènent l’homme vers Dieu. Trois arrêts devant les oratoires de San Teofalu, San Antone et de Santa Croce sont prévus ou certains confrères récitent » l’attu di contrizione ». Le Vendredi Saint, la procession se déroule à travers les rues et ruelles de la ville qui sont illuminées par des centaines de bougies posées par les habitants sur les rebords des fenêtres.
U sepolcru: Corté est la seule ville de Corse où l’on vénère le Christ sous la forme du Christ mort, appelé U sepolcru. Cette statue du XVe siècle était veillée dès le jeudi soir par les femmes qui se relayaient à tour de rôle à son côté. Le Vendredi Saint, elle était portée en procession et le soir, elle était exposée en église. Ce n’est qu’à ce moment là que la population peut effectuer la visite de deuil. Ce Christ est en carton mâché. Il est porté par 6 pénitents sur un brancard appelé U Catalettu. Ce Christ était originellement articulé et peut être était-il accroché à la croix ? Si tel était le cas, on peut penser que les confrères pratiquaient alors tout le cérémonial de la descente de croix dans sa totalité. C’est à l’occasion de la Semaine Sainte que la statue du Christ mort est rendue à la vénération populaire. C’est seulement du vendredi saint au dimanche, que les cortenais peuvent une fois l’an se recueillir devant l’image du sauveur.
U Pesciu: Le poisson est une branche de palmier tressée en forme de poisson reprenant ainsi la symbolique chrétienne. Sa réalisation nécessite de nombreuses heures de travail. Ce sont 5 pièces qui une fois assemblées n’en forment qu’une: dui cherbusgi ( deux choux), le corps du poisson u pesciu et duie rete (deux filets) .I cherbusgi sont montés sur un roseau, le poisson est pris dans les filets. Une fois terminé, l’ensemble mesure 1m50 et sèche un an avant d’être brûlé le samedi Saint de l’année suivante. Autrefois u pesciu était mis aux enchères et permettait ainsi de faire rentrer de l’argent dans les confréries. Quand l’enchère était terminée, l’acquéreur désignait un homme pour porter la croix, sur laquelle avait été déposé le pesciu. En plus du pesciu, les confrères confectionnaient les petites croix (e crucette) et trois couronnes d’épines (e curnoghje) que l’on plaçait autour et sur la tête du Christ. Ces trois couronnes de 11 épines chacune correspondaient symboliquement à l’âge de la mort du Christ.
A Granitula: La procession de la granitula, que l’on peut traduire en français par le terme d’escargot (a lumaga), désigne plus largement l’idée de spirale. Elle symbolise le retour cyclque de la vie et de la nature. C’est après les prières et les chants le jeudi Saint, que l’ensemble des pénitents forme la granitula, se resserrant et desserrant en spirale pour symboliser l’union des chrétiens. Puis de l’extrémité du cercle central, un confrère reprend la tête du cortège et la procession se poursuit.
La confrérie en fait exactement 3, se rendant aux endroits où s’élèvent des édifices religieux:
- sur l’emplacement de l’ancien couvent Saint François
- Place Paoli où se trouvait l’église Saint Marcel
- Place Gaffory où s’élève l’église de l’Annonciation
La granitula débute et finit par un cercle. Elle est un rite de passage où s’effectuent les initiations.
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