Santos Manfredi (1867 -1951) Un bienfaiteur par trop oublié …
Toussaint Manfredi est né à San Andréa di Bozio en 1867 . Ainé d’une fratrie de 11 enfants il s’installe à Corte avec sa famille dans les Lubiacce puis au n ° 2 de la Place Paoli où ses parents Joseph et Marie Antoinette née Simoni tiennent un commerce et une forge. Il fréquente le séminaire sans pour autant se destiner à la prêtrise .
A 15 ans à peine il part pour l’Amérique accompagné d’un frère de son père qui doit rejoindre à Chicago d’autres Manfredi, originaires de la région d’Orezza, qui se sont expatriés quelques années auparavant. Chicago n’a pas l’heur de plaire à Toussaint et moins de deux ans plus tard il n’a pas 18 ans ! il prend seul la route du Chili . Un pays pour lequel il n’aura pas non plus un » coup de cœur ». Doué pour les langues tout autant que pour le commerce l’enfant du Bozio devient Santos à sa majorité .Il conservera la nationalité française (Bi-national) Il est alors à Buenos Aires en Argentine. Si ce n’est pas l’eldorado c’est du moins plus conforme à ses voeux . Ceux qui l’ont connu à Corte ou il compte encore aujourd’hui un filleul sur les quelques dizaines qu’il porta sur les fonts baptismaux ,ont le souvenir d’un homme d’une » fort belle prestance aux yeux verts avec beaucoup de charme. » Cette description permet – peut être de mieux comprendre comment un tout jeune homme arrivant dans un pays inconnu et étranger sans grande experience réussit à pénétrer le monde des affaires. C’est l’agriculture qui l’intéresse plus particulièrement et c’est précisement dans ce secteur d’activité qu’il va prospérer au fil des années. Après deux opérations commerciales ayant trait au café et aux arachides il obtient des garanties bancaires lui permettant de faire l’acquisition dans la région de Cordoba de plusieurs milliers de terres incultes mais neanmoins fertiles. Des acquisitions qui rapidement produisent des fruits . En 1903 il crée ainsi la société » ONCATIVO » axée sur la culture des céréales et exploitées sur le vaste domaine dont il est propriétaire. Domaine de plus de 27 500 hectares dont il fera don en 1920 au Ministére de l’agriculture pour servir de fondation agricole experimentale . Aujourd’hui et depuis 1954 fonctionne sur ce site l’institut national agricole . Son action est fortement appréciée en Argentine mais également en France et c’est précisement à ce titre qu’il sera décoré de la Légion d’honneur par décret du 17 août 1927 pris sur le rapport du Ministre des Travaux Publics en qualité d’industriel, Rosario de Santa-Fé. La remise de décoration aura lieu dans notre cité en présence d’une forte délégation d’industriels argentins qui seront faits tout comme lui citoyen d’honneur.
En ce début du siècle Santos Manfredi se marie. De son union naitront sept enfants dont Virginia qui épousera un fils Cook de la célébre société des Wagons-lits et agences de voyages.
Son petit fils Santos fut élu Maire de Cordoba avant la révolution.
Fortune faite Don Santos rayonne avec le plus grand bonheur dans plusieurs secteurs d’activités dont il sera la cheville ouvrière.
Ainsi à Buenos Aires il finance » l’Alliance-Française » pour aider les étudiants étrangers. Un établissement qui sera dirigé plusieurs années plus tard par un Corse Jean Pierre Orsoni. A Rosario où il réside, il crée la Bourse ainsi que le Rotary club. Businessman certes mais mécène. Toussaint est devenu aujourd’hui Don Santos Manfredi. Il sait qui il est et ne l’oublie pas.
Il n’oublie pas non plus Corte ou vivent ses parents et nombre de ses frères et soeurs. A Corte où il retourne après vingt ans d’absence. Il constate que bien des domaines laissent à désirer notamment en matière médicale. Il décide ainsi de créer une fondation avec l’aide du sous-préfet Legentil pour construire un asile de vieillards et une maternité (1925).
Préalablement il avait consenti des prêts à la commune.
Une partie des égouts de la Place Padoue à l’Orta ont été réalisés avec ses deniers. L’esplanade de la Place Padoue a été réalisée sur un terrain qui lui appartenait et qu’il céda gracieusement.
Il paya la statue du monument aux morts. Un temps l’avenue porta son nom et à la libération on lui préfera celui de De Gaulle ! Seul aujourd’hui l’hopitalporte -en partie- son nom et le stade qu’il finança aussi.
Sa devise » Qui donne aux pauvres prête à Dieu » jusqu’à sa mort en novembre 1951 à Rosario il s’est fermement tenu à la respecter.
Aujourd’hui à Corte il reste encore des traces de sa générosité hors du commun tout comme en Argentine.
Tous les ans dans la localité de « Manfredi » à proximité de Cordoba qu’il créa en 1914 ses arrières petits enfants et leurs amis célèbrent la mémoire de ce petit Corse qui sut devenir un grand, un » Don », un » Monsieur » tout en sachant garder la tête froide et le cœur chaleureux. Un bienfaiteur tout simplement dit mais ô combien exceptionnel.
Depuis 2010ses descendants de la quatrième et cinquième génération ont renoué avec leurs cousins de Corse.
Daniel Coulon-Cerani *
* (Petit- neveu de Santos Manfredi)