Lieutenant-colonel Jean André FERACCI
Lieutenant-colonel Jean André FERACCI (1862-1915)
Commandant le 256èmeRégiment d’infanterie
Mort pour la France, à la tête de son régiment, le 10 mars 1915 à Cambrin (Pas de Calais)
Jean André Feracci naît le 27 septembre 1862 à Corte (Corse) de François (1828-1912) et Hélène Sindali (1830-1912). A l’âge de dix-huit ans, le 31 octobre 1880, il souscrit un contrat d’engagement volontaire pour cinq ans, au titre du 28ème Régiment d’infanterie qui tient garnison dans la région parisienne (Saint-Denis, Stains, Montmorency) avec un bataillon détaché à Dreux (Eure et Loire). Après la période d’instruction, « les classes » disait-on à l’époque, il est rapidement nommé caporal le 21 mai 1881, puis sergent le 21 juillet 1882. Entre temps, il effectue un séjour en Afrique[1], du 26 août 1881 au 12 décembre 1882. Ce début de carrière prometteur le voit accéder rapidement au grade de sergent-major le 6 avril 1883, et réussir en même temps, au concours de recrutement interne pour devenir officier.
Le 21 avril 1884 il intègre l’Ecole Militaire d’Infanterie de Saint-Maixent (Deux-Sèvres) en qualité d’élève- officier. Un an plus tard il en sort très bien classé, 44ème sur 445, et est nommé sous-lieutenant d’active le 21 mars 1885. Il est alors âgé de 23 ans.
Sa première affectation, en qualité d’officier, interviendra le 31 mars 1885 au 141ème Régiment d’infanterie à Marseille. Eu égard à son expérience militaire, complétée par le séjour en Afrique, son chef de corps le désigne tout de suite comme porte drapeau du régiment.
Le 8 octobre 1888 il est affecté au 100ème Régiment d’infanterie qui tient garnison à Tulle en Corrèze. Le 12 novembre de la même année, il est promu au grade de lieutenant. C’est dans ce grade qu’il se marie à Narbonne, le 29 avril 1889, avec Flora Marie Catherine Dauphine[2].
Le 28 septembre 1893 il est muté au 58ème Régiment d’infanterie, le régiment d’Avignon et d’Arles. Deux ans plus tard, le 30 octobre 1895 il est promu au grade de capitaine.
Le 8 juin 1897, il est affecté, par permutation et pour convenances personnelles, au 163ème Régiment d’infanterie qui tient garnison en Corse, à Bastia, Ajaccio, Corte/Calvi et Bonifacio/Sartène. Il rejoint le 3ème Bataillon à Corte en qualité de capitaine adjudant-major[3]. C’est dans sa ville natale, à Corte, que le 30 octobre 1902 il est nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Mais c’est aussi à Corte que le 6 mars 1909, le capitaine Feracci est gravement blessé au genou lors d’un exercice. Sa monture, « affolée par le passage d’un train sur le viaduc situé à trois kilomètres au nord-est de Corte », s’emballe et le projette dans un précipice.
Le 24 juin 1909 il est promu au grade de chef de bataillon (commandant) et rejoint alors le 96ème Régiment d’infanterie qui tient garnison à Béziers et Agde dans l’Aude. Outre ses fonctions d’officier d’active du temps de paix, il commande le régiment de réserve dérivé du 96ème R.I. C’est dans ce commandement que le général commandant le Corps d’armée le décrit comme « …un officier supérieur de valeur réelle : intelligent, instruit, rigoureux, énergique et très actif. Il commande le régiment de réserve avec brio…et ne mérite que des éloges ». En novembre 1913, la même autorité estime « qu’il mérite de prendre rang pour l’avancement ». Hélas, l’année suivante le monde s’enflamme, et le 2 août 1914 la guerre est déclarée.
Le commandant Feracci est affecté au 296ème Régiment d’infanterie de réserve où il commande le 5ème Bataillon. Sa destinée sera alors entièrement liée à celle du régiment. Ce dernier entre en campagne de guerre en Alsace dès le 12 août. Il connait la première épreuve du feu le 19 à Didenheim(banlieue sud de Mulhouse), combat ensuite à Delle Granvilliers avant de rejoindre les Vosges le 15 septembre. Engagé sur les cols de Louchpach et du Bonhomme (Bas Rhin) il subit des pertes légères suite aux bombardements puis est relevé et mis au repos à Corcieux (Vosges). Le 6 octobre le 296ème R.I. quitte son cantonnement et est dirigé en Artois à Noyelles et Mazingarbe (sud-est de Béthune dans le Pas de Calais). Le 13 octobre il est dans les tranchées face au village de Vermelles (sud-est de Béthune dans le Pas de Calais). Le bataillon du commandant Feracci est en première ligne lorsqu’il reçoit l’ordre d’attaquer Vermelles par le sud.
Pendant trois jours et trois nuits, faisant preuve d’un mordant et d’une ténacité admirables, en butte aux plus violentes contre-attaques, les hommes du commandant Feracci progressent de tranchée en tranchée car chaque rue est devenue une tranchée, de maison en maison car toutes sont organisées défensivement en fortins. Toutes les tentatives ennemies sont repoussées. La situation se stabilise le 16 à la faveur d’un brouillard intense. Cela permettra au régiment d’entreprendre la conquête méthodique du village et du Château. Les pertes sont lourdes mais l’objectif est atteint. Le commandant Feracci se voit attribuer une élogieuse citation[4] à l’ordre du corps d’Armée.
Le 18 octobre, le régiment est au repos à Noyelles-sous-Lens (Pas de Calais).
Le 30 octobre, le 296ème appuie une attaque menée par un régiment voisin. Les tranchées perdues sont reconquises et le régiment reste dans le même secteur pendant tout le mois de novembre. Quelques combats et des bombardements d’artillerie créent de légères pertes. L’historique régimentaire[5] relate que « Le début du mois de décembre est particulièrement pénible à cause des pluies persistantes. Les hommes ont de la boue jusqu’aux genoux, le ravitaillement est difficilement assuré mais le moral reste bon. »
Le 14 décembre, le 5ème bataillon du commandant Feracci fait un bond de cinq cents mètres en avant et occupe Notre-Dame de Consolation; le 17, il progresse encore de six cents mètres avant d’être relevé le 18 et mis au repos en base arrière à Noyelles. C’estlà que le commandant Feracci apprend deux bonnes nouvelles : il est désigné pour prendre le commandement du 256ème Régiment d’infanterie[6] à compter du 23 décembre, et est promu au grade de lieutenant-colonel à compter du 25 décembre 1914.
Son arrivée au 256ème RI est mentionnée dans l’historique régimentaire[7] en ces termes : « Le régiment s’arrêta le 11 à Sailly-la-Bourse, le 12 à Mazin-Garbe et se rendit le 13 à Bully les Mines, où il fut placé le 23 sous le commandement du Chef de Bataillon FERACCI, promuLieutenant Colonel quelques jours plus tard » Les deux bataillons du 256ème RI occupent alors, à tour de rôle, les tranchées de la Fosse n°11 de Bully-Grenay, qui font face au faubourg de Lens, jusqu’au 31 janvier 1915.
Le 1er février, le régiment se rend à 800m à l’est de Cambrin pour relever le 195ème RI, au sud de la route de Lille.
Le 8 février 1915, l’ordre d’attaquer arrive. Les positions avancées de l’ennemi sont prises par les hommes du Lieutenant-colonel Feracci. Le colonel Bordeaux, commandant la 118ème Brigade au sein de laquelle opère le 256ème RI, lui transmet les félicitations du Commandement anglais. Ce dernier, témoin des opérations du 8 février, a apprécié « hautement la vigueur et la décision » de l’attaque menée par le 256ème RI.
Du 14 au 15 février, une nouvelle attaque, menée par le régiment, permet d’occuper de nouvelles positions tenues par l’ennemi. Les pertes sont de 112 hommes, 9 sous-officiers et 4 officiers.
Pendant la fin du mois de février et le début du mois de mars, l’historique régimentaire décrit le quotidien du régiment :
« ….dans les tranchées nouvellement conquises,à peine séparées de quelques mètres de terrain des lignes allemandes, la lutte se poursuit, sévère, sous le feu nourri des fusils, des mitrailleuses et de l’éclatement des bombes d’artillerie…. »
Quelques jours plus tard, le même historique du 256ème RI rapporte, avec précision, la mort du lieutenant-colonel Feracci le 10 mars 1915 :
« ……Ce fut au cours de cette période difficile, où nous perdions 200 hommes, que fut tué le chef de corps du régiment, le Lieutenant colonel Feracci. Le jour même, 10 mars, où les Anglais exécutaient jusqu’à notre contact la brillante offensive de Neuve-Chapelle, il accompagnait dans nos premières lignes le Colonel Bordeaux, commandant la 118eBrigade d’infanterie, venant observer l’explosion d’une mine qui devait détruire le saillant de la ligne ennemie et examiner les moyens d’actions que nous mettrions à l’appui de nos alliés. Le même obus tua le Lieutenant-colonel Feracci, blessa grièvement le Colonel Bordeaux, en même temps que deux officiers de la brigade dont l’un mourut peu de temps après.
A son départ, le Colonel Bordeaux, dans un ordre qu’il adressait à ses régiments, s’exprima ainsi :
« J’adresse un adieu tout particulier et ému au 256ème R.I.. dont j’ai vu, depuis plus d’un mois, les travaux, les luttes, le dévouement, et qui vient de perdre un chef admirable, le Lieutenant-colonel Feracci, tué glorieusement à l’ennemi ».
Agé de 52 ans, il était père de famille de neuf enfants dont quatre garçons[8]. Chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix de guerre 1914-1918 avec une citationà l’ordre du Corps d’Armée, le lieutenant-colonel Jean-André FERACCI, officier énergique et courageux, tombe glorieusement au Champ d’honneur le 10 mars 1915 à Cambrin (Pas de Calais), à la tête de son régiment, après avoir consacré 34 ans et 5 mois de sa vie au service exclusif des armes de la France.
Raoul PIOLI, octobre 2009
Affectations du régiment:
- 66e Division d’Infanterie d’août 1914 à octobre 1914
- 58e Division d’Infanterie d’octobre 1914 à décembre 1915
- 152e Division d’Infanterie de décembre 1915 à janvier 1917
- 169e Division d’Infanterie de janvier à novembre 1917
1914[modifier]
- Opérations d’Alsace (Août) Flaxlanden, Didenheim (19 Août) Vosges (Septembre) col de louchpach, col du bonhomme, Artois (le 14 au 22 octobre) attaque de Vermelles, Fosse 10, puis le château et la brasserie de Vermelles (Octobre) château de Vermelles (début décembre) le Rutoire (le 16 et 20 décembre)
- Certains soldats des 280e R.I et 296e R.I, en seconde ligne durant la nuit de Noël, entendirent provenant du secteur Anglais des chants, des clameurs, de nombreuses fusées furent lancées de part et d’autres, mais pas de fusillade, carnet du caporal Louis Barthas.
[1] Territoire et conditions du séjour (en individuel ou en unité constituée) non précisés dans son dossier du personnel.
[2] Le lieutenant Feracci est âgé de 26 ans tandis que son épouse a 23 ans. Cette dernière est née à Molsheim, en Alsace alors occupée par l’Allemagne; elle est la fille de Caroline et Valentin-Antoine Dauphine, contrôleur principal des manufactures d’Etat, en poste à Courthézon dans le Vaucluse. Les époux Feracci auront au total neuf enfants dont quatre garçons.
[3] Ce qui ne constitue pas un grade mais une fonction attribuée à un capitaine chargé de s’occuper des détails administratifs, de l’instruction des sous-officiers et de la discipline du régiment.
[4] Plus tard, cette citation à l’ordre du Corps d’armée, sera représentée par une étoile de vermeil sur le ruban de la croix de guerre 1914-1918 créée par la loi du 8 avril 1915. Hélas, le lieutenant-colonel Feracci, tué à l’ennemi le 10 mars 1915, peu avant la promulgation de la loi, n’aura vraisemblablement pas eu la fierté de voir sa poitrine ornée du ruban de la croix de guerre.
[5] « Historique sommaire du 256ème Régiment d’infanterie pendant la guerre de 1914-1918 » (Anonyme, Berger-Levrault, Nancy, s.d.)
[6] Ce régiment à deux bataillons a été formé à Chalon sur Saône le 2 Août 1914, lors de la mobilisation, avec des réservistes et du personnel d’active provenant du 56e RI. Il a combattu dans les Vosges d’août à septembre et se trouve en Artois depuis octobre 1914.
[7] « Historique du 256ème Régiment d’infanterie pendant la guerre de 1914-1918 » ( Béziers, Imprimerie M. Mathieu et Cie )
[8] L’aîné de ces derniers s’engagera pour la durée de la guerre dans le régiment où servait son père.
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